En tant que linguistes chevronnés, il nous a paru important de vous parler de la loi Fioraso qui a été définitivement adoptée le 9 juillet dernier, et plus particulièrement de l’élargissement de la Loi Toubon, autrement dit la mise en place de cours intégraux dispensés uniquement en anglais dans le cadre d’accords avec une institution étrangère ou internationale ou dans le cadre de programmes européens.

Il s’agit d’une pratique qui existe déjà dans de nombreuses grandes écoles (ingénieurs, commerce), alors pourquoi vouloir l’appliquer aux universités ?

Le premier objectif de cette réforme vise tout d’abord à attirer un plus grand nombre d’étudiants étrangers, issus notamment des pays émergents tels que l’Inde, la Corée, l’Indonésie permettant de faire connaître notre pays aux talents de demain. D’autre part, cela donnerait la possibilité à de nombreux Français d’améliorer leur niveau d’anglais ; en effet, notre pays fait véritablement figure de mauvais élève en ce qui concerne l’apprentissage de la langue anglaise : aux examens du Toefl 2012, la France est arrivée au 23ème rang du classement européen. Un article du journal Le Monde indique pourtant qu’en France, l’apprentissage de la langue de Shakespeare part du bon pied : 6,2 % du temps d’enseignement dispensé aux 6-7 ans est consacré aux cours d’anglais …mais c’est par la suite que les choses commencent à se gâter et que les cours d’anglais deviennent moins intensifs ; dans le même article, Natanael Wright, président du Wall Street Institute France, rappelle qu’en moyenne un élève parle effectivement anglais pendant 1h30 par an.

Notons par ailleurs que l’anglais s’impose comme une évidence pour la plupart de ces étudiants qui appartiennent à la génération Y grâce à Internet, à l’utilisation de nombreux systèmes informatiques, électroniques (tablettes, e-book, net-book, ultra book que l’on retrouve le plus souvent sous leur forme anglaise malgré le travail acharné de « l’irrésistible » communauté de traducteurs).

Mais cette nouvelle invasion de l’anglais ne porterait-elle pas préjudice à notre belle langue, celle de Victor Hugo, Rabelais, Voltaire ?

Défendre le français ne signifie pas être de la vieille guerre comme certains pourraient le penser, car le français résiste aux invasions de l’anglais et respire la santé. En effet, la Délégation générale de la langue française et aux langues de France préconise l’utilisation de termes français malgré le terme anglais opté par la plupart des Français : il convient notamment de préférer « voyagiste » à « tour-operator », « entraîneur » au lieu de « coach ».

Pour certains, imposer l’anglais dans tous les cours de certaines filières auront pour conséquence l’intensification de la fracture sociale, les étudiants issus de milieux défavorisés risqueront d’être démotivés ayant du mal à apprendre une langue étrangère. Nous nous permettons d’émettre un bémol à cette affirmation en ce que l’apprentissage d’une langue ne dépend pas du milieu social mais bien des capacités de chacun, de la volonté que chacun développe à l’égard de la langue.

Un autre fervent défenseur de la langue français, Bernard Pivot, a déclaré qu’une telle mesure conduirait à l’appauvrissement du français ; il va même plus loin en affirmant qu’elle pourrait devenir une « langue morte ». L’Académie française se joint à lui en parlant d’une « marginalisation de notre langue ». Ce sont bien les universités qui forment les talents de demain, mais si les matières de leurs études sont enseignées en anglais, il y a fort à parier que certains concepts scientifiques anglais n’auront plus de traduction française…Affaire à suivre…

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