En travaillant avec la paire de langue italien-français, j’entends souvent dire par des personnes extérieures aux métiers de la traduction que justement la traduction entre ces deux langues est relativement facile. Une vraie partie de plaisir en somme ! En réalité, j’ai été confrontée, notamment au cours de mon stage chez Studio Moretto Group, à bien des casse-têtes linguistiques qui m’ont prouvé que la proximité avérée de ces deux langues ne facilitait pas nécessairement l’exercice de traduction.

Tout d’abord, ces deux langues sont effectivement très proches, beaucoup de mots se ressemblent, se prononcent quasiment de la même façon dans l’une ou l’autre de ces langues. En français, on trouve une grande quantité de mots issus de l’italiens : a cappella, pizza, diva, piano, etc. Tout comme en italien on trouve les mots issus du français tels que : frangia, soufflé, trompe-l’œil, picnic, etc. Mais la particularité de l’italien est que si l’on regarde l’histoire de l’Italie, on peut très vite comprendre que cette langue est loin d’être uniforme dans toute l’Italie.

La langue italienne est en effet relativement récente comparée à d’autres langues européennes. Elle est issue du dialecte toscan qui a été choisi comme langue nationale en 1861 seulement (lors de l’unification), tandis que le français par exemple se voyait déjà fixé par des règles de grammaire précises par l’Académie française environ deux siècles plus tôt. L’italien a donc subi l’influence de différentes langues et de différents dialectes. Aujourd’hui, les dialectes sont nombreux et toujours très utilisés. C’est le cas par exemple du romain, du napolitain, du piémontais, du calabrais, etc. Ajoutons à cela les langues étrangères qui, là encore pour des raisons historiques, sont toujours parlées dans certaines régions : le français dans la Vallée d’Aoste, l’allemand dans le Trentin Haut-Adige ou encore l’albanais dans certaines parties du sud de l’Italie.

De fait, lorsque l’on traduit de l’italien au français, on peut avoir affaire à des formulations ou à des mots issus du dialecte. Ainsi, pendant ce stage, j’ai eu à traduire un document très détaillé sur l’histoire et la fabrication des gondoles vénitiennes. Objet italien par excellence, mais surtout vénitien. Cette embarcation remonte au XVème, XVIème siècle et toutes les pièces qui la constituent sont des pièces très spécifiques et qui, bien entendu, portent un nom en dialecte vénitien. Le premier problème a donc été de comprendre d’abord en italien de quelle pièce il s’agissait lorsque je lisais de mots comme fògie, bròca, fórcola, mòrso, cantièr, etc. Même si certains sont identiques ou se rapprochent de l’italien, voire même du français, il a fallu comprendre à quelle partie de la gondole cela faisait référence. Je m’explique : par exemple, le mot italien « morso » se traduit en français notamment par le participe passé du verbe « mordre », ou par « bout », « mors » ou encore « affres ». Autrement dit, rien ne faisant particulièrement penser à la gondole. J’ai donc effectué de nombreuses recherches mais j’ai surtout tenté de trouver des photos ou des schémas de la gondole pour comprendre exactement quel mot correspondait à quelle partie de la gondole. Pour le mot « morso » j’ai donc compris qu’il s’agissait d’une partie de la « forcola », pièce sur laquelle est posée la rame du gondolier et qui l’aide à guider l’embarcation.

Ensuite, je me suis posée la question si je devais trouver une traduction de ces mots en français, une correspondance en italien ou simplement les laisser tel quel en italien/vénitien. Étant donné qu’il s’agit d’une embarcation typiquement vénitienne, j’ai finalement choisi de garder les mots vénitiens suivis d’une brève explication ou description.

Par ailleurs, même si ces deux langues se ressemblent beaucoup au niveau de la construction étymologique, la construction grammaticale et surtout syntaxique est bien différente pour chacune de ces deux langues. En effet, on remarque très souvent que l’italien a pour habitude de faire des phrases très longues et utilise le point-virgule bien plus souvent que le français. Il est fréquent de trouver des phrases dont le point final est à une dizaine de lignes de la majuscule du début mais toute la phrase est en fait entrecoupée de nombreux points-virgules. La complexité en français est donc, entre autre, de raccourcir ces longues phrases que l’on rencontre peu en français.

Ainsi, il est vrai que c’est deux langues sont très proches, notamment parce qu’elles partagent plus ou moins la même histoire, les mêmes origines. Cependant, entendre la ressemblance de deux langues et traduire d’une de ces deux langues vers l’autre sont deux choses bien distinctes et la première ne devrait pas être confondue avec la seconde. Ce qui semble être d’une grande facilité se révèle parfois un véritable piège.

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