L’attention portée au soin et à la beauté du corps remonte aux origines de l’Histoire. En effet, dès l’aube de leur existence, les premières populations civilisées découvrirent dans le goût esthétique une véritable vertu sociale, au point de définir un idéal canonique à respecter rigoureusement, pouvant même être la source de réussite ou d’échec d’actions diplomatiques et politiques. Prenons tout d’abord l’exemple du modèle classique grec, qui reconnaissait dans la perfection physique l’harmonie de la création et de l’être humain, et en cela le reflet de l’éthique et du savoir, très proche du « mens sana in corpore sano » latin. On peut également prendre l’exemple de ces personnalités historiques au charme ravissant telles que Cléopâtre, Madame de Pompadour ou encore Mata Hari.

Ainsi, la cosmétique apparaît avant tout comme un moyen de faire triompher la beauté et d’afficher une santé épanouie, un moyen qui exploite cette pratique très féminine de se maquiller le visage et d’utiliser des crèmes et des pommades pour retrouver l’éclat d’une jeunesse éternelle. Cependant, l’être humain étant en constante évolution et les médias ne cessant de renvoyer une image d’acteurs ou de personnalités du spectacle parfaite à toute épreuve. C’est surtout grâce à la rupture de nombreux tabous sociaux suite au phénomène métrosexuel, l’univers de la cosmétique a récemment ouvert ses portes au monde masculin et élargi son offre à un public jusque là encore inconnu. Les chiffres en termes d’affluence masculine à l’occasion de manifestations, d’événements et de salons dans ce secteur confirment les faits. Parmi ces différents événements, on peut citer le salon « In-Cosmetics » qui s’est tenu à Hambourg du 1er au 3 avril 2014.

D’un côté, les sociétés de cosmétique se sont finalement tournées sans difficulté vers la création de toute une gamme de produits conçus exclusivement pour les hommes, en alliant la recherche scientifique sur des substances et des parfums adaptés aux peaux et aux goûts de ces messieurs à des accroches autant banales qu’efficaces telles que « For men » ou « Homme » accolées à la marque du produit. Mais, d’un autre côté, c’est avec une certaine prépondérance que s’est posée la question de savoir comment conquérir ce nouveau type de clientèle aux goûts et exigences assurément différents de ceux de la femme, déjà sensibilisée et avertie dans ce domaine. Pour parvenir à éveiller un intérêt d’abord visuel, il faut non seulement une certaine précision chromatique et un type de packaging bien défini, mais il faut également faire appel à des choix publicitaires percutants, capables de parler un même langage masculin et de le toucher au plus profond de son être.

De fait, les adeptes de la cosmétique sont mis à l’épreuve en permanence. La publicité, élément fondamental du commerce, cherche à imposer un produit, voire même à convaincre de sa nécessité, d’abord à partir d’un texte intégrant un autre texte, qui composent le message : les images, les protagonistes, les phrases, le placement des mots, le style : tout est analysé de manière détaillée afin d’offrir au public masculin une expérience qui soit d’abord comprise par lui. Ce que recherche normalement un esprit masculin n’est certes pas la délicatesse, la grâce et la beauté sublimée, mais quelque chose qui préserve, voire même qui amplifie l’idée de force, de masculinité, de prestance juvénile, de beauté authentique et non superficielle, quelque chose spécialement pensé pour lui dans chaque détail. Et, si possible, qui n’en vienne pas à usurper la beauté de sa fiancée, sa femme, sa mère ou sa sœur.

Derrière ce qui peut sembler être une simple opération de marketing, il existe en réalité une étude approfondie sur la terminologie et sur les opérations linguistiques à effectuer lorsque le destinataire est un homme. En plus d’un glossaire cosmétique abondant, pouvant altérer celui-ci par le simple ajout de certains termes de base, de nombreux néologismes ad hoc sont créés et visent à allier l’effet et la fonction clés d’un produit spécifique à ce désir de reconquête masculine. Dans le monde anglophone, les termes guy-liner, guy-lashes et manscara représentent les trois mots principaux formés précisément pour traduire des substantifs si féminins comme eye-liner, eye-lashes et mascara. Sans parler de disguys, terme issu de son homophone courant disguise et parfois employé dans le jargon cosmétique pour définir le fait pour un homme de recourir au maquillage.

Il semblerait que la créativité et le talent des personnes de la profession ne vont pas s’arrêter là. Enfin, pour le dire plus simplement, le maquillage pour homme existe bel et bien. Et il a bien l’intention de faire parler de lui.

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